Sainte-Margueritte est un site important du point de vue patrimonial et archéologique

Propos recueillis par Déborah MATHEY France-Antilles Guadeloupe 01.06.2011

Thomas Romon, archéologue à l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), rappelle l'importance du site de Sainte-Margueritte.

Dans quelles circonstances a été découvert le cimetière de Sainte-Margueritte ?

Le cimetière de Sainte-Margueritte a été découvert de deux façons. La première, par les pièges de sable. Dans les années 1970, début 1980, on a ramassé beaucoup de sable sur les plages pour les constructions, notamment sur Sainte-Margueritte et c'est lors d'une prise de sable que des ossements humains et des sépultures ont été découverts.
La seconde fois a été lors de recherches sur un site amérindien. Des archéologues sont venus travailler sur le site et ont redécouvert le cimetière.
 

Quelle est l'histoire du site ?

En 1995, un projet de construction sur la plage a été envisagé et un diagnostic archéologique a été effectué préalablement afin de vérifier l'existence de sites intéressants. Les travaux des archéologues ont permis de révéler un cimetière important et le projet de construction a été abandonné. Entre 1996 et 1997, beaucoup de sites d'époque coloniale ont été mis à jour et le service régional d'archéologie, à l'initiative du ministère de la Culture, a décidé de développer un axe de recherches afin d'obtenir plus d'informations sur ces sites. Dans le cadre du développement de cet axe, Patrice Courtaud, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et au laboratoire d'anthropologie de Bordeaux a été appelé pour réaliser une expertise du cimetière. Par rapport aux nombreux sites pillés ou détruits par les cyclones et compte tenu de la difficulté du travail d'archéologie liée à la pression touristique, il était plus facile de réaliser ces travaux à Sainte-Margueritte car la plage est moins fréquentée.
 

Quelles recherches ont été effectuées ?

Quatre campagnes de fouilles ont été menées entre 1997 et 2002 et 272 tombes ont été découvertes mais il y en a probablement un millier. L'échantillon étudié est suffisamment représentatif pour découvrir l'identité des individus de ce cimetière. Il y a de fortes présomptions que ce soit un cimetière d'esclaves. Certains individus présentaient des caractéristiques qui dénotent d'origines africaines.
Au niveau des dents, nous avons constaté certains éléments qui correspondent à des rites de passage. Sept individus sur les 272 les présentaient et pour ceux-là, nous avons la certitude qu'ils venaient d'Afrique et qu'ils on été déportés.
Parmi la population, il y a des hommes, des femmes et des enfants, et elle est extrêmement jeune. Ils sont morts avant 30 ans. Sur les squelettes, nous avons constaté des marques d'arthrose, d'atteintes des os, normales chez les individus âgés mais pas chez d'aussi jeunes. Ces éléments nous laissent à penser que ces personnes ont été soumises à de forts travaux. Et ce sont les principaux arguments qui nous permettent de dire que c'est un cimetière d'esclaves. En ce qui concerne les pratiques funéraires, du mobilier religieux catholique a été retrouvé (enterrés dans des cercueils et présence quelquefois de chapelets). Aucune trace de sévices, ou de trace de maltraitance n'a été retrouvée mais nous avons constaté une atteinte importante des dents par les caries, ce qui révèle une consommation importante de cannes à sucre.
 

Est-il possible d'estimer son âge ?

Le cimetière a fonctionné à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, ce jusqu'au moins 1850 puisque nous avons découvert un individu qui portait une médaille sur laquelle était inscrite « 1850 » .
 

Est-il vrai que c'est l'un des trois cimetières d'esclaves les plus importants étudiés dans le monde ?

Il n'y a pas eu beaucoup de fouilles sur des cimetières de l'époque coloniale. Dans le monde, le premier a été celui de Barbade dans les années 1970, sur l'Habitation Newton. Une centaine de tombes ont été fouillées. Le second, dans les années 1980, à New York, Manhattan, a livré près de 500 individus. Mais pour ces deux cimetières, il y a eu une perte d'informations liée au mauvais état de conservation. Et le 3e est celui de Sainte-Margueritte où ont été découverts 270 sujets bien conservés qui livrent beaucoup d'informations. La collection est conservée au musée Edgar-Clerc et accessible pour de nouvelles recherches, comme celles effectuées sur la tuberculose. En 2011, une équipe allemande a repris les recherches et a obtenu des informations sur l'histoire de la bactérie. C'est un site important du point de vue patrimonial et archéologique.
Actuellement, c'est une propriété privée et l'association Lanmou ba yo, avec laquelle nous travaillons en étroite collaboration, cherche à faire racheter le site par la Ville afin de préserver le village amérindien et le cimetière de Sainte-Margueritte.


 

 

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